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Retour sur le NOUVEAU RÉGIME DES PLUS-VALUES SUR CESSIONS DE TITRES

16. 01. 20

Le régime de taxation des gains sur cessions de titres réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il peut donc paraître paradoxal de parler de “nouveau” régime, s’agissant d’un système qui est en vigueur depuis près de trois ans.

Néanmoins, la rupture qu’a introduite la mise en place des nouvelles modalités de taxation et le remplacement d’un système que l’on croyait pérenne expliquent en grande partie ce sentiment et on dira probablement pendant longtemps de ce régime qu’il est nouveau.

L’esprit du Dispositif

Il faut savoir que ces nouvelles modalités de taxation ont été mises en place dans le but de taxer de la même manière les gains en capital et les gains d’activité.

Dans cette optique, il a été décidé de remplacer la taxation à un taux fixe (de 19 % en dernier lieu) par l’application du barème de l'impôt sur le revenu. Les taux effectifs en résultant peuvent aller jusqu’à 45 % (voire 49 %, en cas d’application de la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus - CEHR).

Mais l’application du barème ne tenait pas compte du fait que les plus-values correspondent à des gains accumulés durant plusieurs années, dus à la prise de valeur de la société concernée, ce qui les distingue fondamentalement des gains d’activité, comme les salaires par exemple, qui sont, par nature, annuels.

Ainsi, l’application du barème aux plus-values ne permettait pas d’arriver à l’égalité recherchée avec les revenus du travail mais, au contraire, entraînait une surimposition de ce type de gain, susceptibles de dissuader les investisseurs français ou étrangers.

C’est pourquoi, afin de corriger cet effet et sans renoncer au principe d’application du barème, il a été décidé de mettre en place des abattements sur la plus-value, calculés en fonction la durée de détention des titres.

Les Modalités de taxation

Afin de favoriser certaines situations par rapport aux simples investisseurs « passifs », deux abattements ont donc été créés : celui de droit commun, qui s’applique par principe à toute cession de titres, et celui dit « renforcé », qui s’applique dans des situations que le Législateur a voulu favoriser, sous réserve du respect de certaines conditions auxquelles il faut être particulièrement attentif.
L’abattement de droit commun est de 50 %, si les titres ont été conservés au moins deux ans et moins de 8 ans, et de 65 % s’ils ont été conservés pendant au moins 8 ans, la durée étant décomptée du jour de l’acquisition à celui de la cession.

L’abattement renforcé, quant à lui, s’élève à 40 % lorsque les titres ont été détenus pendant au moins un an, à 65 % si les titres ont été détenus entre 2 et 8 ans et à 85 % si les titres ont été détenus plus de 8 ans, la durée étant décomptée de la même façon.

Cet abattement renforcé s’applique dans trois situations :

La première concerne les cessions de participations importantes intervenant au sein de la même famille. Il s’agit de la reconduction d’un régime qui était déjà en vigueur avant la réforme, destiné à favoriser la reprise des entreprises familiales par les enfants mais ses conditions de mise en oeuvre ne le rendent pas attractif.

La deuxième situation vise la cession de titres par les fondateurs de certaines sociétés. Ces fondateurs sont ceux qui ont souscrit ou acquis leurs titres dans les 10 premières années de l'existence d’une PME ayant eu, depuis sa création, une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanal, libérale…) effective, les sociétés patrimoniales ou sans activité étant exclues.

Enfin, la troisième situation intéresse les dirigeants de sociétés opérationnelles qui cèdent leurs titres à l’occasion de leur départ à la retraite, à la conditions, notamment, qu’ils aient exercé des fonctions de direction durant les 60 mois ayant précédé la cession et que la société ait effectivement eu une activité opérationnelle durant la même période.

Par ailleurs, pour ces dirigeants partant à la retraite, il est également prévu qu’un abattement de 500 000 € s’applique à la plus-value constatée, avant l’application de l’abattement pour durée de détention renforcé.

En application de ce système, les taux effectifs d’imposition s’échelonnent de 2,1 % (en cas d’abattement de 85 % et d’imposition à la première tranche du barème) à 49 % (en l’absence d’abattement et soumission à la tranche maximale et à la CEHR).

Bien entendu, les dirigeants partant à la retraite sont totalement exonérés d’impôt sur le revenu si le montant de leur plus-value est inférieur à l’abattement fixe de 500 000 €.

Rappelons qu’il faut ajouter à cette imposition, les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui sont calculés, comme auparavant, au taux de 15,5 % sur le montant de la plus-value nette sans abattement, aucune modification n’étant intervenue sur ce point.

Les impacts de ce système

La mise en place de ces nouvelles modalités de taxation a eu diverses conséquences, qui n’avaient pas nécessairement été anticipées.

En premier lieu, il faut noter que l’inclusion d’une plus-value dans le revenu soumis au barème entraîne des effets de seuils.

En effet, cela a pour conséquence d’augmenter le revenu global soumis au barème et donc le taux effectif d’imposition, qui s’applique à l’ensemble des revenus réalisés par le contribuable au cours de la même année.

Par conséquent, les autres revenus habituels du foyer fiscal (salaires, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers…), qui étaient soumis aux tranches les plus basses se trouvent soumis aux tranches les plus élevées, ce qui conduit donc à une augmentation pouvant être significative de l’imposition sur les autres revenus.

C’est pourquoi, il est possible d’appliquer à la plus-value le régime des revenus exceptionnels, qui consiste à calculer l’excédent d’impôt sur un quart du revenu exceptionnel et d’ajouter quatre fois cet excédent à l’impôt calculé sans tenir compte du revenu exceptionnel.

Ensuite, il importe de noter que, dans la mesure où il s’agit d’un revenu soumis au barème, la CSG qui a été appliquée sur la plus-value est déductible du revenu global, à hauteur de 5,1 %, au titre de l’année suivante, ce qui permet de réduire le taux effectif d’imposition, pour autant que l’on dispose, cette année-là, d’un revenu suffisant pour imputer cette charge.

Difficultés d’application

Par ailleurs, la mise en place de ce nouveau régime a entraîné un certain nombre de difficultés, liés à l’imprécision des textes.

En particulier, s’agissant de l’imputation des moins-values, une incertitude est née du fait de l’interprétation donnée par l’administration, qui considérait, dans ses commentaires sur le régime, que les abattements pour durée de détention devaient s’appliquer aux moins-values dans les mêmes conditions qu’aux plus-values.

Cette position avait pour conséquence d’imputer moins favorablement une moins-value réalisée dans une situation que le législateur avait voulu privilégier, puisqu’elle ne pouvait s’imputer qu’après un abattement pouvant aller jusqu’à 85 %.

Par exemple, la moins-value ayant pu être réalisée par un fondateur se voyait appliquer le même abattement (jusqu’à 85 %) que la plus-value qu’il aurait constatée, de telle sorte que cette moins-value ne pouvait s’imputer sur des plus-values futures qu’à hauteur de 15 %, ce qui est très défavorable.

Cette situation était donc paradoxale, s’agissant d’une situation que le Législateur voulait privilégier.

Heureusement, dans un arrêt rendu le 12 novembre dernier, le Conseil d’Etat a précisé que les abattements devaient s’appliquer à la plus-value nette, c’est-à-dire après imputation des moins-values antérieure, qui peuvent donc s’imputer en totalité.

Une autre difficulté s’est révélée dans le cas où le cédant bénéficie du versement d’un complément de prix au titre d’une cession intervenue avant le 1er janvier 2013.

En effet, dans cette situation, l’administration considère que ce complément de prix doit être imposé au barème de l'impôt sur le revenu, puisque c’est la seule modalité d’imposition en vigueur, mais qu’il ne peut bénéficier d’aucun abattement, puisque le complément de prix doit être calculé dans les mêmes conditions que lors de la cession auquel il s’applique et qu’aucun abattement n’existait à cette époque.

Compte tenu de l’impact très défavorable de cette situation, des procédures contentieuses ont été introduites, notamment devant le Conseil constitutionnel, pour contester ce régime, notamment compte tenu de son caractère confiscatoire, dont la solution est attendue pour la fin de cette année.

Enfin, une difficulté, pouvant avoir d’importantes conséquences pratiques, concerne la situation des dirigeants partant à la retraite.

En effet, sous le régime précédent, la plus-value qu’ils réalisaient bénéficiait d’un abattement d’un tiers par année de détention au-delà de la cinquième, ce qui conduisait, de facto, à une exonération de l’impôt sur les revenus au bout de 8 ans.

Dans ses commentaires sur ce régime, l’administration fiscale avait précisé que le même abattement s’appliquait aux cessions simultanées par le conjoint et les autres fondateurs, qui pouvaient donc bénéficier de la même exonération.

Cette tolérance n’a pas été reprise, dans le nouveau régime. L’administration considère désormais que, dans une telle situation, seul le dirigeant de droit peut bénéficier de l’abattement renforcé et de l’abattement fixe, de telle sorte que son conjoint, s’il ne fait pas partie des fondateurs pouvant bénéficier de l’abattement renforcé à ce titre, ne pourra bénéficier que d’un abattement maximal de 65 %.

Cette difficulté pourrait conduire à se poser à nouveau la question de l’organisation des entreprises familiales, dans lesquelles il est fréquent que le conjoint associé assiste le dirigeant et ne soit pas lui-même dirigeant.

Dans ces situations, il pourrait être intéressant de le nommer dirigeant, suffisamment tôt pour qu’il puisse avoir cette qualité au moins 60 moins avant la cession et bénéficier, sur sa propre plus-value, de l’abattement renforcé.


Jean-Philippe Kapp
Avocat au barreau de Lyon